[Compte rendu de lecture] Parution de l’ouvrage collectif Une histoire des luttes pour l’environnement
Fin septembre est paru aux éditions Textuel l’ouvrage collectif Une histoire des luttes pour l’environnement. 18e-20e trois siècles de débats et de combats coécrit par les historien-ne-s Anne-Claude Ambroise-Rendu, Steve Hagimont, Charles-François Mathis et Alexis Vrignon. Au travers de cent notices richement illustrées, l’ouvrage dresse pour la première fois un panorama des luttes environnementales à l’échelle mondiale.
En introduction, les auteur-e-s notent qu’il existe « un grand récit de la modernité qui, dans une large mesure, relève du mythe » et qui comporte de nombreuses lacunes : des luttes ont émaillé l’émergence de nos sociétés industrielles et des hommes et des femmes du passé ont questionné et critiqué un progrès qui impliquait des pollutions et des destructions du vivant. Il y a eu des résistances et des voix divergentes qui montrent que notre présent est le résultat de rapports de force passés. D’ailleurs à cet égard, les années 1970 ne doivent plus être vues comme un tournant dans la prise de conscience environnementales mais davantage « comme un moment de cristallisation et de médiatisation plus offensive de luttes et de contestations auparavant plus diffuses, bien que ponctuellement importantes ». Une des grandes qualités du livre est d’inscrire cette histoire des rapports des hommes à l’environnement dans un temps long, en remontant à la fin du 18e siècle.
Découpé en quatre parties chrono-thématiques (fin du 18e-19e siècle, 1900-1967, 1967-1979 et 1979-1999), l’ouvrage revient à la fois sur des figures et événements attendus et célèbres de l’histoire de l’écologie comme les journaux Survivre… et Vivre, La Gueule ouverte ou le scandale du Rainbow Warrior et offre aussi des éclairages sur des épisodes moins connus tels la première enquête officielle sur le changement climatique en France en 1821 ou la guerre des demoiselles en Ariège. De plus, les notices s’attachent à mettre en lumière tous les continents avec par exemple l’affaire de la mine de cuivre d’Ashio dans le Japon de l’ère Meiji, la question de la chasse dans l’Afrique coloniale, la controverse de Hetch Hetchy en Californie et le brésilien Chico Mendes. Certaines des notices plus philosophiques et culturelles décrivent aussi des pans de la pensée écologistes (la nature dans la pensée des Lumières, Günther Anders et les menaces de la technique, croissance verte ou décroissance). Chacune des notices contient une ou plusieurs illustrations qui là aussi sont remarquables par leur diversité et qui rendent la lecture très plaisante : peintures, photographies, dessins scientifiques, documents d’archives, coupures de presse, affiches… Enfin, en parcourant ces notices, c’est aussi une histoire des pratiques de luttes qui s’élabore : luttes ponctuelles mobilisant manifestations et pétitions, tentatives de constructions de modèles alternatifs (la communauté utopique de Monte Veritá en Suisse), institutionnalisation au travers d’associations (Ligue pour la protection des oiseaux, Greenpeace, ATTAC) ou d’entrée dans le champ politique.
Finalement, cet ouvrage universitaire très accessible constitue une approche très intéressante qui selon la volonté des auteur-e-s permet de « saisir toute la complexité et la diversité des agencements possibles, advenus, disparus ou écartés, entre les humains et le reste de la biosphère ».